Une entrée en vigueur échelonnée
Les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique sont parus en juin 2024 dans le BO du 13 juin.

Leur mise en place échelonnée se fera :
– au CP et en CM1 à la rentrée scolaire 2024-2025 ;
– au CE1 et au CM2 à la rentrée scolaire 2025-2026 ;
– au CE2 et en 6ème à la rentrée scolaire 2026-2027.

Cette mise en place correspond à une vision archaïque de l’enseignement : l’abandon des cycles. Les programmes sont organisés par année. Les repères annuels sont fixés et figés. Ainsi, en CP il s’agit d’apprendre à "se reconnaître comme individu et élève" alors qu’en CE1, les élèves doivent "respecter les autres".
Cette organisation et vision de l’enseignement a des répercussions sur la liberté pédagogique et la possibilité de mettre en place des programmations spiralaires. Or, une telle approche permet de revisiter les concepts tout en les approfondissant. A l’inverse, une approche par repères annuels laisse entrevoir une conception par étapes successives : les contenus s’enchaînent et se juxtaposent sans liens explicites.

Une trajectoire réactionnaire
Ces nouveaux programmes s’inscrivent dans une trajectoire réactionnaire et s’éloignent encore plus des programmes 2015, pourtant approuvés par toute la communauté éducative pour leur qualité. Il s’agit davantage d’inculquer aux élèves, de manière descendante et à marche forcée, leur conception dépassée du civisme. Les capacités de compréhension, d’analyse et de réflexion des élèves ne sont pas sollicités. En quelques mots, les élèves doivent reproduire des comportements attendus.
Pourtant, interrogé en novembre 2023 par la FSU-SNUipp, Serge Cospérec indique que l’enseignement moral et civique poursuit trois objectifs :
– "transmettre les connaissances sur l’institution et l’histoire",
– "sensibiliser aux valeurs, à l’éthique républicaine",
– "cultiver le discernement éthique et politique du futur citoyen, lui apprendre à juger, réfléchir moralement et politiquement, en s’appuyant sur l’intelligence collective."
De fait, les nouveaux programmes ne permettent pas d’atteindre ce triple objectif.

Empathie et compétences psychosociales
La mise en avant de l’empathie et des compétences psychosociales soulève des interrogations. Si développer ces compétences est important, quid de la finalité de cet apprentissage ?
S’agit-il encore une fois de favoriser un esprit critique et une meilleure compréhension de l’altérité, ou simplement d’encourager l’acceptation des différences sans promouvoir l’égalité entre les individus ?
Les recommandations de l’UNESCO prônent la mise en place de méthodes pédagogiques actives qui favorisent l’apprentissage des compétences psychosociales et civiques considérées comme indissociables. Il s’avère primordial d’apprendre aux élèves à construire des réflexions collectives sur la citoyenneté pour déconstruire des comportements individuels égocentrés.

Chanter la Marseillaise sans la comprendre
Le premier couplet de la Marseillaise au CE1 doit être appris… mais peut-il être compris sans saisir son lien à la révolution française ? A titre de comparaison, en 2015, il était prévu de chanter, en comprenant le contexte de leur écriture, quelques couplets de La Marseillaise… avec une programmation à décider jusqu’au cycle 4 inclus.

Laïcité
La laïcité est présentée comme une valeur et non comme un principe d’organisation de notre société.
Dans Le Café Pédagogique en mars 2020, Sylvain Connac et Gwendoline Ecalle rappellent que la laïcité « est un principe qui permet de susciter et défendre des valeurs. En France, les valeurs de la République sont triples : liberté, égalité et fraternité (...) Or, pour autoriser la fraternité à naître entre des personnes différentes, il faut un levier : c’est celui que permet la laïcité ».

Dans le contexte d’une société touchée par la crise, fragilisée par des attentats et où la laïcité est devenue une question sensible, c’est sur cette dernière conception que le gouvernement s’appuie depuis les programmes de 2018. À la clé, une réécriture appauvrie et bien peu ambitieuse pour la formation des futurs citoyens et citoyennes.

Nouveaux programmes en EMC : en arrière toute !

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