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Calcul : prévenir l’échec

mardi 21 août 2012
Mis à jour le mardi 10 juillet 2012

Valérie Barry, professeure agrégée de mathématiques et docteure en sciences de l’éducation. Elle enseigne dans les formations pour l’Adaptation Scolaire et la Scolarisation des élèves Handicapés (ASH) de l’IUFM de l’Université Paris Est-Créteil. Elle nous livre ses réflexions sur le lien entre le calcul et la prévention de l’échec.

- Vous proposez d’identifier les besoins d’apprentissage des élèves plutôt que de lister les difficultés. Pouvez-vous expliquer cette démarche et sa mise en œuvre ?

  • Il ne s’agit pas de ne plus penser en termes de difficultés, mais de tenter, quelle que soit la situation de difficulté, d’envisager les besoins d’apprentissage de l’élève comme un levier pour passer du constat d’échec à l’action pédagogique. Par exemple, si le constat est : « l’élève ne calcule pas », l’idée est de transformer ce constat en la question : « de quoi a-t-il besoin pour calculer ? » (avant de se demander : « que vais-je faire ? »). Ici, on pourrait penser que l’on n’a pas beaucoup avancé ! Mais le passage du constat au besoin s’accompagne d’un changement de posture : l’enseignant passe d’une difficulté qui « appartient à un élève » (ou plusieurs élèves) à un questionnement qui l’engage, en tant que pédagogue, et qui est partageable avec d’autres adultes. Ensuite, il me semble important d’adopter une approche systémique des besoins d’apprentissage des élèves, c’est-à-dire de tenter d’identifier un faisceau de besoins, qui, réalisés simultanément, permettent progressivement de franchir les obstacles. Dans le domaine du calcul, les enfants ont par exemple conjointement besoin de construire une relation fonctionnelle avec le nombre (en le considérant comme utile dans leur quotidien scolaire et social), d’élaborer une diversité stratégique (pour avoir le choix dans une situation numérique, et ne pas répéter infiniment une procédure « stratifiée »), de développer un langage numérique interne et des capacités de transcodage qui leur permettent de penser les nombres en chiffres et de se parler à eux-mêmes (mentalement) en utilisant des mots-nombres.

- Pouvez-vous expliquer ce que sont le calcul en acte, le calcul stratégique et le calcul complexe ?

  • Dans un calcul-en-acte, l’apprenant n’a pas conscience d’opérer un calcul. Quand par exemple un élève répond spontanément « 5 » quand on lui demande « 3+2 », il mobilise une information en mémoire à long terme : le résultat du calcul. Il a opéré un calcul en ce sens qu’il a été susceptible de gérer une relation ternaire entre 2 données numériques (3 et 2) et un opérateur (+). Cette association de « 3+2 » et de « 5 » se distingue donc d’une simple correspondance binaire comme celle qui existe entre « Marignan » et « 1515 ». En effet, si l’on change d’opérateur, en passant par exemple au calcul de « 3 -2 », l’élève va mobiliser un autre répertoire mental, celui des résultats soustractifs. Dans un calcul stratégique, l’élève ne mobilise pas un résultat mais une procédure. Par exemple, s’il effectue plusieurs multiplications par 10 (5x10, 14x10, 28x10, 135x10, etc.), il ne recherche pas un résultat stocké en mémoire mais mobilise une procédure récurrente (décaler les chiffres d’un cran vers la gauche et ajouter un zéro dans la colonne des unités). Toute combinaison de calculs en acte et stratégiques est un calcul complexe, comme par exemple : (5x10) + (3+2).

- Comment le recours à ces notions peutil aider les enseignants à mieux répondre aux problèmes numériques ?

  • Il s’agit pour l’enseignant(e) de construire des séances de calcul mental en s’assurant de combiner ces trois formes de calcul, en proposant : - des calculs qui ont pour objet de convoquer (et construire) un répertoire de résultats numériques en mémoire à long terme ; - des calculs qui visent la mobilisation d’une stratégie spécifique (qui sera verbalisée, et récurrente) ; - des calculs faisant intervenir trois nombres ou plus, qui combinent les opérations effectuées dans les deux phases précédentes et contribuent à leur généralisation.

- Enfin vous utilisez la caractérisation de « trouble » du calcul, plutôt que de difficulté. Cette terminologie médicale ne pose-t-elle pas problème ? Les enseignants peuvent-ils définir des « troubles » ?

  • Parler de troubles de l’apprentissage ne correspond pas dans mon propos à une médicalisation de la difficulté scolaire, mais à une distinction, à partir du cycle 3, entre des obstacles passagers et des obstacles durables, qui nécessitent des actions croisées. Trois facteurs conjoints peuvent caractériser les troubles de l’apprentissage et les différencier de la difficulté scolaire passagère : leur complexité (ils ne se réduisent pas à une cause unique mais sont associés à un réseau de causalités), leurs conséquences (l’élève est en échec scolaire généralisé ou électif) et leur persistance (ils restent présents après deux années d’apprentissage de la langue écrite).

Bibiliographie : Barry Valérie, à paraître, Dénombrer et calculer à l’école maternelle, collection Hatier Pédagogie, Paris : Hatier. Barry Valérie, 2010, Dialectiser la recherche et l’action. Paris : L’Harmattan. Barry Valérie, 2010, Constituer du commun à partir de l’hétérogène, dossier Travailler avec les élèves en difficulté, Cahiers Pédagogiques, n° 480, mars 2010.


Vidéo :

Valérie Barry | Calcul : prévenir l’échec from SNUipp-FSU on Vimeo.

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