Co-fondatrice avec Bernard Vaillot de l’agence Galaxie Presse,
Catherine Berthillier a réalisé plus d’une centaine de reportages pour
Envoyé Spécial (France 2), Des Racines et des ailes (France 3), Zone
Interdite (M6), Reportages (TF1), Arte Reportage (ARTE) ainsi que de
nombreux documentaires pour France 3 et France 5 en coproduction
internationale.
En quoi consiste
Shamengo ?
- Shamengo est une plate-forme
de vidéos et d’informations disponible
sur Internet. Une centaine
de vidéos sont déjà disponibles,
chacune propose le portrait filmé
d’une personne que nous appelons
un pionnier. Un pionnier est
quelqu’un qui, quelque part sur la
planète, a mis sur pied un projet
susceptible de changer la vie quotidienne
des gens et ceci dans
quatre grands domaines : prendre
soin de soi, créer dans l’éthique,
préserver la planète, s’engager
pour les autres. Le projet est de
faire basculer le grand public vers
ces valeurs humanistes en montrant
que chacun peut changer le
monde à son niveau.
D’où vous est venue cette
idée ?
- Je suis grand reporter depuis
une quinzaine d’années, j’ai travaillé
pour des émissions comme
« Envoyé spécial » en parcourant
le monde avec une caméra pour
tourner des sujets d’investigation
dont bon nombre traitaient de
conflits, de guerres, de catastrophes...
Un jour, au cours d’un
reportage en Inde sur un trafic
d’organes dans un village d’enfants,
j’ai eu un déclic en observant
des enfants qui s’émerveillaient
devant une lampe solaire. Plutôt
que de m’intéresser à ceux qui
détruisent le monde, j’ai eu alors
l’idée de mettre en valeur ceux qui
le rendent meilleur, ceux qui développent
des actions positives et
qui souvent ne sont pas médiatisés.
La crise actuelle nous montre
qu’on est au bout d’un monde
mais aussi à l’avènement d’un nouveau
. Une révolution dans laquelle
j’avais envie de m’impliquer personnellement.
Comment est né
Shamengo ?
- J’ai commencé à repérer des
gens dans le monde entier et à
tourner des sujets qui m’ont permis
de montrer ce que je voulais
faire. J’ai pu alors trouver le soutien
de la MGEN, une mutuelle que
je connaissais déjà professionnellement
et qui correspondait bien
aux valeurs humanistes du projet.
Le programme a démarré vraiment
il y trois ans. J’ai essayé de
« vendre » l’idée aux grandes
chaînes qui n’en ont pas voulu.
D’où l’idée développer un projet
du type « cross-media » qui utilise
la télé mais aussi, l’ordinateur, le
smartphone. Le lancement officiel
de Shamengo a eu lieu en octobre
2011.
Pourquoi le choix d’un
format standard de deux
minutes ?
- Les gens ont de moins en
moins de temps. En télé, le format
court, c’est 45 secondes mais
on n’a le temps de rien expliquer.
Deux minutes, c’est facile à
« consommer » pour tout le
monde et c’est idéal pour ce que
j’appelle des « pastilles de bonheur
» : on s’évade, on découvre
le parcours de quelqu’un et on a
le temps de comprendre les
tenants et les aboutissants de la
situation. Le programme de Shamengo
est un peu conçu comme
un oignon.
Quel est le premier bilan au
terme d’un an d’existence ?
- On est aujourd’hui à 10 millions
de vue : 9 millions en télé et 1 million
sur Internet. Les courbes de
croissance sur Internet sont très
rapides à plus de 30% par mois
mais il faut dire qu’on partait de
zéro ! On a un public qui se fidélise
et fréquente régulièrement le site
avec des gens qui apprécient la
qualité du travail et sont conquis
par les découvertes qu’il y font.
Comment lutter contre la
consommation grandissante
d’images et d’informations
axées sur le sensationnel,
le « people » ?
- Cette tendance est d’autant
plus inquiétante qu’elle touche
principalement les gens les plus
démunis, les moins cultivés. Shamengo
au contraire présente des
modèles positifs. Nous racontons
des belles histoires qui se terminent
bien mais au prix de beaucoup
d’efforts et de persévérance.
L’idée est d’inciter les gens à sortir
de la passivité et à se prendre
en charge en développant le côté
participatif. Je pense qu’il serait
essentiel dans la formation des
jeunes de développer une vraie
formation aux images télévisuelles
: comment sont-elles
fabriquées ? Quels sont les ressorts
qu’elles activent chez les
spectateurs ? Quand on passe
trois heures par jour devant des
écrans, éviter les programmes
abrutissants est fondamental.
Des idées à reprendre
à l’école ?
- Le voyage autour du monde à
la découverte de nos pionniers
constitue déjà une découverte
d’autres pays, d’autres cultures
mais aussi d’une certaine universalité.
Au delà, j’ai envie de développer
des plate-formes
collaboratives. Les établissements
scolaires pourraient s’engager aux
côtés des pionniers sous la forme
de messages d’encouragement,
de correspondance mais aussi
reprendre des idées au niveau
local. On est tous des Shamengo
en puissance !