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"Des journées trop longues"

mardi 2 avril 2013
Mis à jour le lundi 25 février 2013

Le Docteur Michel Tiberge est neurologue, responsable de l’Unité du Sommeil du CHU de Toulouse. Il est membre de la Société Française de Recherche sur le Sommeil et, à ce titre, est impliqué dans l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Cette association, fondée en 2000, regroupe l’ensemble de la communauté sommeil : société savante, associations de patients et professionnels de santé. Sa vocation est de promouvoir le sommeil et ses pathologies comme une composante de santé publique en sensibilisant, informant et éduquant sur les troubles du sommeil et de la vigilance.

- Quels sont les points importants à connaître concernant le sommeil et en particulier celui des enfants"scolarisés ?

  • Sommeil et scolarité peuvent apparaître comme antinomiques mais ce n’est pas le cas. Le médecin que je suis peut vous dire que le sommeil est un comportement qui se traduit par une suspension périodique réversible  ; contrairement à ce que l’on pourrait croire c’est un phénomène actif et important puisque nous passons en moyenne un tiers de notre vie à dormir. Il faut d’abord rappeler les fonctions du sommeil et remettre en cause les fausses croyances qui ont encore cours comme le fait que le sommeil serait une perte de temps. Le temps de sommeil est un temps biologique qui doit préparer notre temps de veille, temps au cours duquel nous devons être en mesure d’assurer des activités de di$érents types : vie relationnelle, intellectuelle, sociale. On distingue deux types de sommeil qui ont des fonctions différentes" : le sommeil lent et profond joue un rôle dans la récupération physique de l’organisme (anabolisme, croissance, immunité, thermorégulation, consolidation de la mémoire…) alors que le sommeil paradoxal permet la maturation du système nerveux, la plasticité neuronale, la régulation de nos comportements, le traitement des informations (mémoire), c’est le moment privilégié d’apparition des rêves élaborés.

- Que constate-t-on en terme de sommeil chez les enfants actuellement ?

  • Il faut savoir que, plus généralement, nous avons perdu plus de deux heures de sommeil en vingt ans. Chez les enfants, on constate surtout des journées trop longues avec très peu ou pas de repos en cours de journée. La surstimulation à laquelle ils sont soumis aussi bien par l’école que par tous les voleurs de sommeil que sont les écrans de toutes sortes (télévision, ordinateur, téléphone portable, jeux électronique...) engendre une modification des rythmes avec un endormissement plus tardif. La fatigue accumulée entraîne une plus grande agitation et des difficultés de concentration que les enseignants peuvent constater quotidiennement. Une étude a montré que 41% des parents d’enfants scolarisés ont du mal à réveiller les enfants alors que l’idéal serait que les enfants et les adultes puissent se réveiller spontanément. On observe aussi la difficulté de nombreux élèves à se concentrer le lundi matin ce qui est un signe manifeste de manque de sommeil. Or le weekend devrait être le moment de récupération de la dette de sommeil accumulée au cours de la semaine et ce n’est manifestement pas le cas. Une autre dimension est celle de l’inégalité devant le sommeil : il y a des enfants du soir et des enfants du matin. Les premiers souffrent davantage à l’école puisqu’il va leur manquer du sommeil de fin de nuit donc du sommeil paradoxal pourtant favorable aux apprentissages. Il faut savoir aussi que le manque de sommeil paradoxal favorise l’agressivité, la violence et la dépression, manifestations auxquelles les enseignants doivent être tout aussi attentifs qu’à la somnolence qui est plus lisible.

- Comment l’école peut-elle prendre en compte ces évolutions de mode de vie des élèves ?

  • À l’école maternelle, la sieste doit être possible pour tous les enfants, même en grande section et des moments plus calmes peuvent être aménagés en cours de journée. Les enseignants doivent aussi savoir que le rythme nocturne (alternance de sommeil lent et profond et de sommeil paradoxal) se poursuit la journée. Il n’est donc pas possible de solliciter l’attention des élèves pendant trois heures consécutives : il faut respecter les cycles biologiques et prévoir des temps de repos toutes les heures et demie à l’école élémentaire aussi. On sait par ailleurs que le rythme de mémorisation varie au cours de la journée : la mémoire immédiate est maximale le matin alors que le milieu d’après-midi lui est beaucoup moins favorable. À ce moment-là, les fonctions musculaires et respiratoires doivent être privilégiées : les activités physiques sont adaptées à cet état alors que les apprentissages cognitifs et les activités intellectuellement soutenues sont à placer le matin.
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