Un système classique décourageant
La dictée traditionnelle, avec son système de notation traditionnel, n’autorise que peu le tâtonnement et n’admet pas les erreurs qui en découlent. L’apprentissage n’est pas une aventure stimulante. En orthographe bien des élèves sont convaincu·es qu’ils et elles ne peuvent plus progresser.
A quoi bon travailler si on est abonné·e aux zéros ?
A quoi bon travailler si on ne met pas de sens dans l’activité à réaliser ?
Dans ces méthodes dites traditionnelles c’est l’erreur qui est au centre, et ce système renvoie donc à l’élève une image très négative de lui ou d’elle-même (confiance, motivation, stress).
Une évaluation non décourageante part du principe que les élèves doivent comprendre qu’ils et elles s’approchent progressivement de la norme orthographique et que cet apprentissage est long.
Une évaluation positive qui met en lumière les progrès
Les programmes restent discrets sur la question de l’évaluation.
Le recours au pourcentage de réussite est un bon moyen de rester objectif sur les résultats et les progrès des élèves. Cela évite de tomber dans le piège archaïque 10 erreurs = 0, même si 90 mots sur 100 sont correctement orthographiés.
Le recours à la dictée diagnostique est aussi un bon moyen de mettre en évidence les progrès des élèves. En début d’année, une dictée est proposée aux élèves. Elle sert de référence. Plusieurs fois dans l’année, elle est reproposée aux élèves qui peuvent ainsi mesurer leurs progrès.
Enfin, les enseignant·es doivent interroger la pertinence de tout évaluer tout le temps. Les critères de réussite doivent être explicites, et, les élèves doivent connaître les critères de réussite évalués à chaque dictée.
En résumé, si on estime que l’apprentissage de l’orthographe nécessite une dizaine d’années d’apprentissage, il est souhaitable d’instituer une évaluation qui :
rende les progrès visibles au cours de l’année afin de les encourager à poursuivre cet apprentissage long et coûteux.
fixe des objectifs limités, ne rendant pas l’erreur inévitable,
porte sur les savoirs enseignés.
Dans les programmes…
Au niveau du socle commun de connaissance, de compétences et de culture, dans le domaine 1 « Langages pour penser et communiquer » on trouve la compétence « Comprendre le fonctionnement de la langue ». L’exercice de la dictée est un support intéressant pour réfléchir sur la langue et comprendre son fonctionnement, tout comme les productions d’écrits.
Dans les programmes de cycle 2 et cycle 3, dans le champ « Etude de la langue », les élèves doivent progressivement acquérir des compétences en lien avec l’orthographe lexicale et l’orthographe grammaticale. Cette distinction renvoie implicitement à des pratiques différentes mais qui poursuivent des objectifs communs : faciliter la mémorisation et développer des stratégies d’observation et d’analyse.
Orthographe lexicale :
En français, peu de mots s’écrivent « comme ils se prononcent », exemple : chapo ou chapeau ?
On s’appuie certes sur la correspondance phonème-graphème, des régularités, des connaissances morphologiques mais il faut apprendre quels graphèmes particuliers composent chaque mot.
Plusieurs facteurs rendent difficile la mémorisation d’un mot :
Fréquence du mot (maison, ménin)
Fréquence de la correspondance graphème-phonème (toboggan)
Le nombre de graphèmes potentiels (son [o])
Les lettres muettes (petit, souris, bavard…)
La distinction graphique des homophones (vers, ver, verre, vert, vair), la connaissance du sens du mot permet de lever la difficulté.
Toutes ces connaissances d’ordre didactique doivent influencer nos pratiques :
Sélectionner des mots « utiles » pour les élèves, c’est-à-dire des mots pour lesquels les élèves ont un besoin.
Proposer des activités de manipulation des mots : les psychologues de la mémoire expliquent qu’on retient mieux des mots qu’on manipule.
Proposer des activités qui permettent d’identifier des similarités morphologiques (travail sur les familles de mots, sur les transpositions en genre pour entendre les lettres muettes : bavard/bavarde).
Mettre en évidence et verbaliser des stratégies pour retenir l’ordre des graphèmes du mot.
Orthographe grammaticale :
En français, certaines variations sont inaudibles : un chat / deux chats (alors qu’en italien on entend la variation de nombre : un gatto, due gatti). Ce qui suggère que quand on écrit, retrouver la forme des mots en mémoire est nécessaire mais ne suffit pas. Il faut aussi analyser catégories et contextes pour sélectionner la bonne forme.
Pour appliquer la règle de l’accord et mettre une marque de genre et de nombre au bon endroit, il ne suffit pas de connaître la règle, il faut aussi savoir catégoriser les mots et identifier les relations qui les unissent. Pour accorder un verbe il faut savoir reconnaître un verbe comme un verbe et trouver avec quoi il s’accorde. C’est une vraie difficulté de l’orthographe grammaticale.
Les élèves échafaudent des règles à mesure de ce qu’ils et elles peuvent concevoir. Le résultat ? Tantôt ils et elles sélectionnent la bonne marque sur le bon mot « la jolie maison » tantôt ils et elles l’oublient « la joli maison ».
Parfois, le contexte influence leur choix :
Elle voi e la maison (influence du féminin)
L’auteur nous apprend s (influence du pluriel de nous + la terminaison « ds » existe).
Les élèves ont du mal à sélectionner les marques attendues parce qu’elles et ils ne comprennent pas le fonctionnement des catégories et de la syntaxe et ont du mal à appréhender le fonctionnement linguistique car les concepts grammaticaux en jeu sont complexes.
Pour que les élèves s’approprient l’orthographe il faut donc :
les aider à mémoriser les mots,
Leur apprendre à analyser la variation des mots en fonction du contexte.
Apprendre à relire
Lire ce qui est réellement écrit, non pas ce qu’on voudrait qui le soit.
Exemple : J’AI ACHETE DU PAIN A LA BOULAGERIE PEDANT MON VOYAGE EN TALIE.
La phase explicative des corrections revêt une grande importance car elle permet d’installer stratégies et méthodes de relecture.
Exemple d’un questionnaire méthodologique pour aider des élèves de cycle lors de la phase de relecture (auto-correction) :
Quel(s) est/sont les temps de conjugaison utilisés dans la dictée ?
Quels sont les verbes conjugués dans le texte et leurs sujets ? Et on balaye tout le texte.
Identifier les GN et observer la chaîne d’accord. Et on balaye tout le texte.
Rechercher les mots invariables connus.
Rechercher les homophones connus.
Rechercher les mots d’usage courant appris.
Différentes formes de dictées.
La dictée préparée
La dictée préparée doit provoquer un enseignement de l’analyse et de la réflexion lexicale et grammaticale. Dès le CP, les enseignant·es peuvent proposer des dictées préparées aux élèves en jouant sur certaines variables (accords dans le GN, temps de conjugaison, longueur du texte…). La correction est primordiale. Elle fait partie intégrante de l’apprentissage. Les erreurs sont analysées et considérées comme l’opportunité de renforcer les apprentissages.
Les autodictées
La différence majeure est que le texte doit être mémorisé par les élèves. En amont, une analyse de texte est nécessaire.
La dictée enchaînée
Dispositif à la semaine.
Lundi : une phrase est écrite au tableau. Elle est analysée. Elle est ensuite cachée et dictée aux élèves. Enfin, la dictée est de nouveau affichée et les élèves procèdent à la correction.
Mardi : la phrase du lundi est à nouveau dictée. Une deuxième phrase est analysée. Puis les mêmes procédures sont mises en place.
Jeudi : ajout de la troisième phrase.
Vendredi : dictée des trois phrases.
La dictée à 4 temps
Temps 1 : un texte court et non préparé est dicté aux élèves. Un temps de relecture est autorisé.
Temps 2 : l’enseignant·e présente la dictée. Les élèves corrigent leur texte. C’est une auto-correction et le nombre d’erreurs est relevé.
Temps 3 : analyse du texte.
Temps 4 : la même dicté est proposée aux élèves, le texte initial est caché. C’est l’enseignant·e qui procèdera à la correction. L’objectif est de mettre en évidence les progrès entre les deux versions.
Dictée recto-verso
La dictée est faite individuellement par chaque élève sur une feuille qui comporte au verso le texte original de la dictée. Pendant la relecture, l’élève à chaque doute souligne le mot et va chercher la bonne solution au dos. Variable : le nombre de fois où l’élève a le droit de tourner sa feuille.
Dictée dialoguée avec le·la maître·sse
Après la dictée réalisée individuellement, les élèves peuvent interroger l’enseignant·e. Les questions mais surtout les réponses doivent servir à lever des doutes. L’enseignant·e peut répondre par « oui » ou « non » mais ne donne pas les BONNES réponses.
Dictée dialoguée entre pair·es
Même principe mais les interactions concernent les élèves entre eux.
Dictée photo
L’enseignant·e dicte le texte. Ensuite un temps de relecture est accordé. Puis le texte « solution » est disposé en plusieurs exemplaires à un endroit de la classe. Les élèves peuvent aller consulter ce texte autant de fois qu’ils et elles le désirent (variable possible : le nombre de fois est imposé) à condition de se déplacer sans leurs cahiers ni même de quoi écrire.
Dictée frigo
Les élèves écrivent la dictée qui est ensuite mise « au frigo ». Le texte solution est distribué. Les élèves doivent souligner les mots sur lesquels ils pensent avoir commis une erreur. Ils vont ensuite chercher leur dictée et se corrigent en utilisant le moins possible le texte solution.
Dictée négociée
Une dictée est faite individuellement. Après un temps de relecture, les élèves travaillent en groupe et comparent leurs productions. Ils et elles procèdent à des négociations pour ne proposer qu’un texte collectif. Ils et elles peuvent avoir recours à des outils pour se mettre d’accord (cahiers de leçons, manuels, dictionnaires…).
La dictée caviardée
Les élèves reçoivent le texte solution et le lisent. Ils et elles doivent ensuite noircir tous les mots qu’ils et elles sont sûr·es et certain·es de savoir écrire correctement. Le texte caviardé reste à la disposition des élèves lors de la dictée intégrale du texte.