Max Butlen est maitre de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise,
IUFM, laboratoire CRTF, fondateur du tout nouveau master littérature
de jeunesse à l’UCP.
Vous avez participé aux actions de valorisation de la
littérature de jeunesse à
l’école depuis une trentaine
d’années, diriez-vous que
cette littérature y a trouvé
sa place ?
- J’ai le sentiment que les
actions que nous avons initiées
pour promouvoir et légitimer les
meilleurs ouvrages de la littérature
de jeunesse, au tout début
des années 80 ont eu une certaine
efficacité. Elles ont été lancées
en liaison avec les
bibliothécaires et les professionnels
du livre par quelques formateurs
d’enseignants, de rares
chercheurs, beaucoup de collègues
de terrain. En 2002, le
ministère de l’Éducation nationale
a enfin légitimé cette littérature
en la plaçant au coeur de
programmes de grande qualité.
La littérature de jeunesse fait
désormais partie du quotidien de
la plupart des classes de primaire,
pourtant les projets liés à sa présence
dans les apprentissages
appellent encore des approfondissements.
Il reste bien du grain
à moudre.
Sur quels éléments repose
ce sentiment ?
- Une équipe de recherche que
j’ai dirigée a conduit une enquête
sur cette présence et sur ses
usages à l’école à l’occasion d’un
colloque organisé avec la Bibliothèque
nationale de France en
2011. La généralisation de la présence
de la littérature de jeunesse
a été confirmée mais il est
apparu que les usages pédagogiques
méritent d’être interrogés
pour plusieurs raisons.
Lesquelles ?
- Les programmes de 2002 ont
posé comme objectif la construction
d’une première culture littéraire,
une culture commune à tous
les élèves. Pour l’atteindre, des
listes de références ont été établies
par une commission de la
DGESCO tandis que les programmes
ouvraient de remarquables
et audacieuses pistes
didactiques en prenant appui sur
la recherche et sur les expérimentations
de collègues novateurs.
Parmi les pistes proposées, je citerai
la « mise en réseaux » des
ouvrages de ces listes, entre eux
mais aussi avec d’autres oeuvres,
pour faciliter l’appropriation, la
compréhension des textes, pour
installer et partager cette culture
tout en ouvrant de nouveaux horizons
de lecture. Ces programmes
invitaient aussi à organiser dès
l’âge de cinq ans des « débats
interprétatifs » ou encore suggéraient
la tenue d’un carnet de lecteur.
Ils ont réhabilité la lecture à
haute-voix, démultipliant la pratique
de la « lecture offerte ». Or,
les programmes suivants, en
2008, ont plutôt freiné ce mouvement,
alors qu’on attendait qu’ils
apportent les précisions devenues
indispensables pour répondre aux
questions et aux besoins de formation
de collègues confrontés
dans leur pratique à des
démarches jugées fécondes mais
complexes car elles ont reconfiguré
les enseignements de la lecture
et de la littérature.
N’avait-on pas parlé aussi
d’un renouvellement et
d’une extension de ces
listes de références ?
- Effectivement, en 2007, une
liste de référence de 250
ouvrages a bien été établie pour
le cycle 2, et la liste pour le cycle
3 a été actualisée avec ses 300
ouvrages adaptés aux objectifs
pédagogiques et culturels du
cycle. Ce n’est qu’ en 2012, que la
commission nationale de la
DGESCO a pu reprendre son travail.
Avant la fin de l’année, elle
sera en mesure de publier une
actualisation des listes C2 (avec
270 titres) et C3. En 2013, la liste
qui manquait pour le cycle l sera
établie.
Quelles autres observations
ont été faites dans l’état des
lieux de la recherche et de
la formation ?
- La recherche indéniablement
s’est développée, même s’il faut
déplorer les réticences persistantes
de certaines instances,
voire de certains collègues, et
même si les professeurs des universités
habilités manquent
encore cruellement. Les thèses
en rapport avec la littérature de
jeunesse sont beaucoup plus
nombreuses et concernent des
disciplines bien au-delà des
lettres. On remarque aussi que
les séminaires, les colloques, les
journées d’études organisées par
les universités se sont multipliés
sur des thématiques de plus en
plus variées, ce que l’on retrouve
aussi dans des revues liées à la
recherche. Du côté de la formation,
l’enseignement de la littérature
de jeunesse, au-delà des
IUFM, est apparu dans un nombre
significatif de licences. Quelques
masters existent désormais dont
celui que nous venons de créer à
Cergy et Antony. Notre publication
dresse un état des lieux, propose
une analyse et confirme que
si la situation est bien meilleure
qu’à la fin des années 70, l’action
dans ce champ est à poursuivre…
et amplifier.