Accueil du site > > Les apprentissages par domaines d’enseignement > Langage écrit > La littérature pour faire grandir

La littérature pour faire grandir

mardi 1er avril 2014
Mis à jour le mardi 1er avril 2014

Les enfants ont-ils besoin des livres pour grandir ? Oui, mais pas de n’importe lesquels ! Quand les albums n’infantilisent pas les petits lecteurs mais respectent leur rapport au monde, la lecture contribue à leur développement. Joëlle Turin explore une centaine d’albums à travers cinq domaines évocateurs de la vie de l’enfant, ses jeux, ses peurs, ses questions, ses relations avec les autres et ses sentiments.

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre ? JT. Si l’importance des histoires dans la vie de l’enfant semble aujourd’hui admise, les pratiques d’appropriation des livres par l’enfant varient. Elles diffèrent au niveau des objectifs poursuivis, des modalités qui permettent un contact précoce et des choix de livres proposés. J’avais à coeur de solliciter une réflexion sur ces médiations en m’appuyant sur une expérience professionnelle basée à la fois sur des observations de jeunes enfants en situation de lecture et sur une fréquentation assidue et une approche comparative des ouvrages « dits » destinés à la petite enfance, de zéro à six ans. Il s’agissait pour moi de transmettre à tous ceux qui partagent le plaisir de lire des histoires avec les jeunes enfants des manières particulières qui ont fait leurs preuves et de montrer en quoi elles participent au développement psychique de l’enfant, à la construction de sa personnalité en tant que petit sujet libre et autonome, à une approche ludique et culturelle des grands artistes qui écrivent pour les petits.

Selon vous, qu’est-ce qui fait grandir les enfants ? JT. Tous les enfants du monde, hormis un seul - Peter Pan, esprit de l’enfance incarné - grandissent, veulent et peuvent grandir, dans la réalité et dans la fiction. Toute leur vie se tend de ce désir impérieux. Grandir, c’est acquérir une autonomie, exercer sa liberté, affirmer sa capacité à penser, agir et désirer, autant qu’à prendre en compte la pensée des autres, sortir de son point de vue et se décentrer. Les histoires supposent à la fois la capacité d’unifier une multiplicité de faits dans une trame, de s’intéresser à des expériences individuelles s’éloignant plus ou moins d’une réalité empirique, de suivre la trajectoire des personnages, de s’imaginer à leurs côtés, de partager leurs points de vue, de participer au déroulement de leurs actions, de leur emboîter le pas, de faire siennes leurs pensées, leurs questions, leur destin et d’éprouver des émotions. « Enfants, nous passons notre temps à apprendre sur le monde et à imaginer d’autres univers » dit Alison Gopnik : le monde de la fiction participe à cet apprentissage et à cette ouverture des horizons.

"Grandir... pour sortir de son point de vue et se décentrer"

Qu’est-ce qui vous a guidée dans le choix des livres ? JT. Si tous les enfants aiment les histoires, toutes les histoires ne s’intéressent pas aux enfants de la même façon et toutes n’invitent pas à une communion avec les textes et les images. Les choix d’albums ont été décidés à la suite d’observations d’enfants en situation de lecture, de leurs propres choix au milieu de livres proposés, des caractéristiques de l’enfance et surtout de leur dimension esthétique, de leurs qualités de raconter, de prendre l’enfant en compte, lui et ses goûts, ses questions, ses centres d’intérêt, ses manières d’être et de vivre. Il s’agissait d’offrir une diversité d’approches, de styles, de thématiques avec l’idée que le jeune lecteur finirait par trouver le livre qui lui convient et qu’il l’interpréterait en fonction de ses préoccupations, de son vécu, de sa culture. « Ecouter la littérature » dit Thomas Pavel, c’est se laisser aller pour qu’une certaine confiance, une certaine détente, une espèce de familiarité s’établisse entre le lecteur et l’oeuvre. Il convenait alors d’éviter des livres trop explicatifs, à visée strictement éducative pour privilégier des ouvrages ouverts, ludiques, pratiquant les ellipses, les non-dits, provoquant des perplexités, voire une intranquillité, non dans sa dimension d’angoisse mais celle d’attention aux autres, aux petits et grands événements, tout en aiguisant constamment la curiosité.

"Le livre un trait d’union entre l’enfant et l’adulte."

Dans les nouveaux programmes pour l’école, quelle place pour la littérature de jeunesse ? JT. S’il y a place pour la littérature de jeunesse dans les nouveaux programmes, elle pourrait se situer dans l’idée de permettre aux enfants de gagner en familiarité avec les univers fictionnels et de les aider à construire un patrimoine commun en leur faisant éprouver le côté aventureux de la lecture et l’intimité des rapports entre le lecteur et les oeuvres. Les lectures à haute voix dans des dispositifs permettant à chaque enfant de se sentir individuellement concerné en tout petits groupes, position de côte à côte, libre choix des enfants, liberté de participer ou non à la lecture, attention bienveillante portée à chacun, commentaires valorisants, peuvent grandement faciliter cet objectif. La lecture devient un objet de partage et le livre un trait d’union entre l’enfant et l’adulte, entre l’auteur et son lecteur.

SPIP | |Nous écrire|SNUipp|FSU | Suivre la vie du site RSS 2.0