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Langues vivantes : l’apprentissage de l’altérité

lundi 7 avril 2014
Mis à jour le lundi 7 avril 2014

Le plaisir doit rester central

Depuis 1998, on enseigne les langues à l’école primaire. Est-ce une bonne chose ? MA D . La science a montré l’efficacité pour le développement des compétences phonétiques des enfants de commencer les langues tôt. Le démarrage de l’apprentissage d’une langue étrangère dès l’école maternelle répond à deux objectifs majeurs. Le premier est l’ouverture aux autres avec la découverte et l’acceptation d’autrui et des ses différences. Une découverte qui se construit d’autant mieux qu’elle est proposée tôt aux élèves. Cette démarche intégrant la dimension culturelle de la langue ne doit pas se limiter à une seule langue. L’école maternelle pourrait être le lieu d’un éveil aux langues et cultures en profitant du fait que les professeurs des écoles n’ont pas la contrainte des textes officiels comme à l’école élémentaire. Le deuxième objectif est de travailler l’oral et l’écoute. Cela se fait d’autant plus facilement que les enseignants sont compétents dans la langue qu’ils enseignent, ce qui est contradictoire avec l’obligation d’une langue donnée. Avant 1998, le libre choix de la langue par les enseignants générait un enthousiasme et un plaisir partagé qui rejaillissaient sur la pédagogie et les élèves et avait été souligné dans des rapports officiels.

Faut-il viser des compétences précises pour les élèves ? MA D. C ’est une question qui a été tranchée dans les textes officiels dès 1991. Je ne contesterai pas le choix politique, mais j’y mettrais deux conditions. Comme cet apprentissage commence tôt, dès le CE1, il faudrait qu’il soit accompagné par un éveil aux langues et cultures pour permettre la découverte de l’altérité. La deuxième condition, c’est que les enseignants chargés de cet enseignement soient à la fois volontaires et compétents en pédagogie et didactique. Sinon, on se retrouve au mieux dans une approche scolaire de la langue qui a déjà démontré ses limites avec l’enseignement traditionnel pratiqué au collège à une certaine époque. On laisse alors de côté le plaisir d’apprendre une langue. Il serait dommage de passer à côté du potentiel d’acquisition des enfants pour un apprentissage structuré mais il ne faut pas oublier l’aspect découverte et plaisir qui doit rester central.

Comment échapper à la prédominance de l’anglais ? MA D. La contrainte forte autour d’une langue étrangère unique qui est le plus souvent l’anglais n’est pas mentionnée dans les textes officiels. Pourtant, ils sont souvent interprétés dans ce sens aussi bien par la hiérarchie que par beaucoup de professeurs d’école. Les enseignants qui sortent de formation sont encore loin d’avoir les compétences et l’appétence nécessaires pour enseigner l’anglais. Au vu des pratiques actuelles, je me demande s’il n’aurait pas été plus bénéfique de faire appel aux ressources linguistiques d’une seule école ou d’un bassin d’écoles. Il me semble qu’en partant du volontariat et des ressources des enseignants, on aurait atteint a minima les mêmes résultats aujourd’hui. Si en surface, les choses semblent réglées, on constate que les choix politiques et organisationnels qui sont faits ne permettent pas d’atteindre les objectifs visés. Un parcours multilingue à l’école primaire serait une solution réaliste et sans doute aussi, voire plus, efficace.

"Il n’est pas logique que les allophones aient autant de difficultés scolaires."

Que pensez-vous de l’enseignement bi-langues en immersion ? MA D. Les expériences sont rares hormis en matière de langues régionales mais elles mériteraient d’être étendues. Le bilinguisme favorise chez les enfants le développement des possibilités cognitives en langues, y compris la langue maternelle, et pour l’ensemble des apprentissages. Développer ce système serait une bonne chose pour deux raisons : il serait profitable pour tous les enfants, quelle que soit la langue et il permettrait enfin de véritablement apprendre les langues étrangères.

Pour les primo-arrivants, le bilinguisme se révèle parfois un handicap... MA D. Le premier levier est d’amener les élèves à mieux considérer leur langue et culture d’origine. Et pour cela, il faut que leur enseignant le fasse aussi. Chacun a en lui un dispositif inné d’acquisition des langues. Il n’est pas logique que les allophones aient autant de difficultés scolaires. Les raisons peuvent être complexes mais bien souvent ces élèves sont en échec parce qu’insuffisamment accueillis et pris en compte comme des personnes porteuses d’une langue et culture importantes. Ce n’est pas un problème scolaire mais plutôt sociétal : les primo- arrivants qui arrivent des Etats- Unis connaissent rarement de problèmes. Le travail essentiel pour l’enseignant est d’ordre psycho-affectif : accepter et faire accepter les enfants avec leur différence et avec leur langue.

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